Évaluation de l’IA Médicale : MedGPT vs ChatGPT en urgence
L’intelligence artificielle transforme radicalement la pratique médicale. Les assistants virtuels spécialisés se multiplient pour accompagner les professionnels de santé dans leurs décisions cliniques. Mais quelle IA choisir lorsque chaque seconde compte ? Une expérimentation récente menée par des experts du réseau Medscape apporte des éclairages surprenants sur les performances respectives de MedGPT et ChatGPT et l’évaluation de l’IA médicale.
MedGPT et son démarrage difficile face aux urgences

Le Pr Dominique Savary, Chef du Département de Médecine d’Urgences au CHU d’Angers, a testé les deux intelligences artificielles avec une question cruciale. « Quelle est la particularité du choc hémorragique chez un polytraumatisé ? » Cette interrogation, pourtant fondamentale en médecine d’urgence, a révélé une faiblesse majeure de MedGPT.
La première réponse de l’assistant français concernant l’évaluation de l’IA médicale a été déconcertante. MedGPT a refusé de traiter la demande. Le système a considéré que la question ne concernait pas la santé ou la médecine. Cette erreur d’interprétation soulève des questions sur la capacité de l’IA à reconnaître le vocabulaire médical spécialisé.
Le médecin a dû reformuler sa question de manière plus générale. « Quelle stratégie de prise en charge du patient en état de choc après un polytraumatisme ? » Cette fois, MedGPT a fourni une réponse. Mais celle-ci s’est avérée incomplète et superficielle, selon l’expert.
Les lacunes identifiées dans la réponse de MedGPT
L’analyse du Pr Savary met en lumière plusieurs carences significatives dans la réponse de l’assistant français. La triade létale, élément indispensable du choc hémorragique, apparaît tardivement dans l’explication. Cette triade regroupe l’hypothermie, la coagulopathie et l’acidose métabolique. Ces trois composantes s’auto-entretiennent et aggravent drastiquement le pronostic vital.
Les outils diagnostiques essentiels ne sont pas mentionnés. L’eFAST et le scanner corps entier sont pourtant incontournables dans ce contexte. La stratégie du Damage Control Resuscitation, pierre angulaire de la prise en charge moderne, brille par son absence. MedGPT omet également les particularités de traitement selon les zones traumatisées.
Néanmoins, l’assistant français présente un avantage notable. Les références citées sont pertinentes et récentes. MedGPT s’appuie sur les recommandations SFAR 2025 et HAS 2025. L’IA rappelle aussi qu’elle peut commettre des erreurs. Cette transparence invite les praticiens à conserver leur jugement clinique.
ChatGPT avec sa réponse structurée et complète
À l’inverse, ChatGPT a immédiatement compris la question médicale. L’IA généraliste a produit une réponse exhaustive et structurée dès la première interrogation. Le système a organisé son explication en plusieurs sections claires et logiques.
La physiopathologie particulière du choc hémorragique chez le polytraumatisé est détaillée. ChatGPT présente la triade létale en début de réponse. L’IA explique la coagulopathie traumatique précoce, phénomène crucial survenant dès les premières minutes. Cette complication se produit indépendamment de la dilution par les solutés de remplissage.
Les aspects cliniques trompeurs sont soulignés avec précision. Les signes vitaux peuvent rester normaux initialement, notamment chez les jeunes patients. Cette présentation atypique peut masquer la gravité réelle de la situation. Les saignements internes, invisibles à l’œil nu, compliquent le diagnostic précoce.
La stratégie Damage Control expliquée avec clarté

ChatGPT développe de manière approfondie la stratégie de Damage Control, absent de la réponse initiale de MedGPT. Cette approche révolutionnaire comprend deux volets complémentaires : la réanimation et la chirurgie. Le concept de permissive hypotension est explicité avec ses limites.
L’objectif tensionnel ciblé (PAS autour de 80-90 mmHg) est clairement énoncé. Cette stratégie vise à limiter le saignement tout en maintenant une perfusion minimale. Cependant, ChatGPT précise que cette approche est contre-indiquée en cas de traumatisme crânien sévère associé.
Le rapport transfusionnel équilibré (1:1:1) entre globules rouges, plasma et plaquettes est détaillé. Cette pratique moderne améliore significativement le pronostic des polytraumatisés. L’IA mentionne également la limitation des cristalloïdes pour éviter la dilution des facteurs de coagulation.
Les particularités selon les localisations traumatiques
ChatGPT aborde un aspect essentiel ignoré par MedGPT : les adaptations thérapeutiques selon les zones lésées. En présence d’un traumatisme crânien grave, la stratégie change radicalement. La perfusion cérébrale devient prioritaire, rendant l’hypotension permissive dangereuse.
Les traumatismes du bassin nécessitent des mesures spécifiques. La fixation externe, la tamponnade pelvienne et l’embolisation sont mentionnées. Ces interventions permettent de contrôler les hémorragies massives caractéristiques de ces lésions.
L’IA généraliste propose même d’aller plus loin. Elle suggère de créer un algorithme décisionnel ou un schéma de prise en charge. Cette approche proactive démontre une compréhension des besoins pratiques des urgentistes.
L’évolution des IA médicales et leurs perspectives
Les résultats de cette évaluation soulèvent des questions sur la spécialisation des IA médicales. MedGPT, malgré son positionnement français et médical, déçoit sur cette question d’urgence. Le système devra être testé sur d’autres problématiques pour évaluer ses véritables capacités.
L’intelligence artificielle en santé évolue rapidement. Les nouvelles fonctionnalités de ChatGPT à surveiller dans les années à venir incluent une meilleure personnalisation sectorielle. Des versions adaptées à la médecine, au droit ou à l’éducation pourraient émerger. Ces IA spécialisées combineraient expertise pointue et compréhension contextuelle avancée.
La mémoire persistante des conversations représente un autre axe de développement majeur. Les futures versions pourraient se souvenir des interactions passées avec un praticien. Cette continuité permettrait des réponses encore plus pertinentes et personnalisées au fil du temps.
Les enjeux de fiabilité et de responsabilité médicale
L’utilisation des IA en médecine soulève des questions éthiques et juridiques fondamentales. La responsabilité médicale reste entièrement portée par le praticien. MedGPT le rappelle explicitement en fin de réponse. Cette mise en garde est essentielle dans un contexte sur lequel la tentation de suivre aveuglément une recommandation algorithmique existe.
Les erreurs d’interprétation, comme celle de MedGPT face à la question initiale, peuvent avoir des conséquences graves. En situation d’urgence, perdre du temps à reformuler une question peut s’avérer fatal. Les interfaces utilisateur doivent être intuitives et comprendre le langage médical technique.
La validation scientifique des réponses fournies par les IA constitue un défi majeur. Comment garantir que les informations délivrées correspondent aux dernières recommandations ? MedGPT cite des sources récentes, mais son contenu reste lacunaire. ChatGPT fournit des informations complètes sans références explicites.
Vers une complémentarité entre jugement humain et IA

L’évaluation comparative révèle que les IA médicales ne sont pas encore des outils parfaits. Elles peuvent servir d’aide-mémoire intelligent ou de ressource pour vérifier une stratégie thérapeutique. Mais elles ne remplacent pas l’expertise clinique et l’expérience du médecin.
L’intégration réussie de l’IA en médecine nécessite une approche nuancée. Les praticiens doivent développer un esprit critique face aux recommandations algorithmiques. La formation continue sur l’utilisation appropriée de ces outils devient indispensable.
Les futures générations d’IA médicales devront combiner plusieurs qualités essentielles. Une compréhension fine du vocabulaire technique, une exhaustivité des réponses, des références scientifiques solides et une transparence sur les limites. Ces critères de qualité garantiront une adoption progressive et sécurisée par les professionnels de santé pour l’évaluation de l’IA médicale.